Scroll Top

Fanny Ardant illumine la Comédie dans Cassandre

reelgeneve

Fabien Imhof

En l’espace de trois représentations, Fanny Ardant a envoûté le public de la Comédie, dans Cassandre, de Michael Jarrell, basé sur le texte de Christa Wolf, accompagnée par le Lemanic Modern Ensemble, dans une mise en scène signée Hervé Loichemol.

Cassandre est un personnage bien connu de la mythologie grecque. Ayant reçu d’Apollon le don de prédire l’avenir, elle ne pourra jamais être cru, le dieu l’ayant maudite, suite à son refus de se donner à lui. Dans ce monodrame pour comédienne et orchestre, Fanny Ardant est Cassandre. Seule sur le devant de la scène, elle revient sur sa vie, son passé, ses souvenirs, selon les méandres de sa pensée. Ces « éclats de conscience » arrivent par bribes, dans la plus pure émotion. Avant sa mort, elle revoit sa vie, ses souvenirs, de l’enfance à la guerre… Pendant une heure, accompagnée par la musique composée par Michael Jarrell, elle envoûte le public.
On ne peut parler de Cassandre sans parler de Fanny Ardant. Éblouissante dans ce rôle, elle confirme encore une fois quelle grande actrice elle est. Tout y est : sa voix si douce et si puissante à la fois, une qualité d’interprétation rare, une occupation de l’espace impresionnante… Durant une heure, impossible de détacher notre regard d’elle, tant elle parvient à nous charmer, à nous hypnotiser presque. Pas une seconde on ne décroche, pendu à ses lèvres et aux paroles qu’elle débite. Paradoxal, quand on sait que Cassandre n’était jamais écoutée… Fanny Ardant passe d’un registre à l’autre avec grande aisance : tour à tour, elle interprète l’angoisse, la détresse, la joie dans certains souvenirs, la dureté. Tantôt puissante, tantôt fragile, sa voix est en parfait accord avec les émotions de Cassandre. Seule sur scène, on a pourtant l’impression qu’elle est entourée de toute une troupe, comme dans ce moment où elle rappelle un repas en présence de Ménélas, Priam et bien d’autres. Sur cette scène toute blanche, bien aidée il est vrai par le magnifique jeu de lumière conçu par Seth Tillett, on s’imagine aisément le décor, la table, les rois, princes et autres serviteurs entourant Cassandre. Si on devait résumer la performance de Fanny Ardant en un mot ? Envoûtante…
Cette œuvre ne serait rien sans la musique. Car la seconde comédienne, c’est bien elle. Épousant à merveille le texte si littéraire de Christa Wolf, il donne une profondeur supplémentaire à l’interprétation de l’actrice. Les moments d’angoisse résonnent ainsi plus forts dans l’esprit du spectateur. La voix de Fanny Ardant et la musique se mêlent pour former un tout inséparable. Par moments elle s’estompe pour laisser entièrement l’espace à la voix de Fanny Ardant, tantôt grave, tantôt emprunte de douceur. Il n’y a jamais d’excès, ni dans le volume, ni dans l’interprétation. Tout est orchestré avec minutie.
Et puis tout à coup, elle s’en va. Fanny Ardant quitte la scène, la musique s’arrête. On n’entend plus que des chuchotements. C’est la fin. On est bouche bée. Un silence s’installe… avant l’ovation. L’actrice revient sur la scène pour saluer. Le public est debout, il applaudit, siffle, acclame, comme rarement. L’émotion est là. Parmi les spectateurs, on ne se remet pas tout à fait de ce à quoi on vient d’assister. Sur le visage de Fanny Ardant, on perçoit l’émotion, même en étant placé très loin. Ses yeux brillent, son sourire est doux, sincère. Elle remercie le public, les musiciens, salue aux côté du chef d’orchestre Jean Deroyer, puis repart. Elle est rappelée une fois, deux fois, trois fois…l’ovation est de plus en plus grande.
Rarement j’ai été tant subjugué au théâtre. Fanny Ardant conforte avec cette pièce sa place parmi les plus grandes actrices. Un beau moment, un peu hors du temps, duquel on peine à se remettre…

Imprimer l’article pour le lire hors ligne.