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Mozart au temps de l’intelligence artificielle

Le Dauphiné

Sébastien Colson

CULTURE | Dès jeudi, le Festival Archipel s’intéresse aux relations musique d’aujourd’hui-machines

«La musique contemporaine a beaucoup de mal à se dégager de l’image de la tour d’ivoire qui ne se préoccupe pas du public ! » souligne Marc Texier, directeur du Festival Archipel. Et pourtant, cette époque là est bien révolue. D’ailleurs le festival qui démarre jeudi à Genève, préfère parler de “musiques d’aujourd’hui”. Cette notion s’oppose aux oeuvres de l’histoire musicale, qui sont encore très majoritairement jouées dans les salles de concert et les opéras. Un peu injuste quand la création n’a sans doute jamais été aussi riche qu’à notre époque…

Relations hommesmachines

Archipel y remédie. Et pour cette édition intitulée “Ecce robo”, ce sont les relations hommemachine qui seront au coeur du festival. Cela fait belle lurette que les musiciens utilisent les machines de leur époque. Ainsi, aujourd’hui Hèctor Parra peut présenter son “Limite les rêves au-delà” pour violoncelle et… électronique. Sauf qu’à ces prolongements du cerveau que sont les instruments est venue s’ajouter l’intelligence artificielle, capable de se substituer au créateur. Encore que Google n’est pas sûr de pouvoir devenir Mozart…
En tout cas, Archipel répondra de manière ludique à ces problématiques, comme à son habitude. Faisant feu de tout bois à travers la collaboration avec d’autres arts, comme la danse ou la vidéo. Il y aura par exemple des installations, tel cet automate d’Arno Fabre, avec ses souliers qui jouent au Musée d’Art et d’Histoire. Il y aura également plusieurs spectacles pour enfants. Et une large part dévolue aux jeunes musiciens de Genève, notamment les étudiants de la Haute École de Musique.
Bref, c’est une opération reconquête d’un public large que le festival Archipel mène année après année. Sans rien céder à l’exigence artistique et intellectuelle, mais en proposant des tarifs abordables et des animations susceptibles d’attirer les mélomanes dans cette création moins balisée que le patrimoine, mais stimulante…

“Machina Humana”, symphonie du décolletage captée dans les usines de la vallée de l’Arve

«L’industrie du décolletage est assez bruyante, c’est un univers sonore contre lequel les ouvriers doivent se protéger habituellement. Il y a donc un vrai renversement de perspective » note Marc Texier, le directeur du Festival Archipel, à propos de “Machina Humana”, la création de David Hudry.
Le compositeur de 40 ans s’est rendu dans plusieurs usines de la vallée de l’Arve pour capter in situ les sons produits par les machines industrielles. Ce matériau brut a été entremêlé avec des instruments classiques joués par les 18 musiciens du Lemanic Modern Ensemble pour aboutir à une composition concrète et harmonieuse.

Sons bruts et 18 musiciens du Lemanic Modern Ensemble

C’est en effet le traitement électronique réalisé dans les studios du Grame à Lyon qui a permis la fusion entre les instruments traditionnels et les sons recueillis dans les usines de la vallée de l’Arve. Cette commande d’Archipel et du Lemanic Modern Ensemble, qui sera enregistrée par la RTS Espace 2, devrait vous faire entendre le décolletage comme vous ne l’avez jamais entendu…