Pour débuter en beauté sa saison 24-25, le LME propose une nouvelle fois ce chef d’œuvre d’Igor Stravinsky, avec le concours exceptionnel de Lambert Wilson dans le rôle du Lecteur.

L’Histoire du soldat, œuvre co-écrite par Igor Stravinsky et Charles-Ferdinand Ramuz en 1917, représente en elle-même le témoignage d’un temps de guerre. L’effectif instrumental, atypique et économe, est donc conséquent d’une période de restriction. Stravinsky prend le parti d’un ensemble réduit de sept musiciens, mais optimisé : toutes les familles instrumentales sont représentées dans l’extrême grave et l’aigu (violon et contrebasse, clarinette et basson, cornet et trombone, ainsi qu’une percussion).
À cette sorte d’« orchestre de foire » s’ajoute des récitants (le Lecteur, le Soldat et le Diable) et – dans la version initiale – un ou deux danseurs.
En partant des contes populaires russes d’Alexandre Afanassiev, Ramuz et Stravinsky ont choisi l’histoire bien connue d’un soldat déserteur qui pactise avec le Diable et finit par perdre son âme. Ce soldat troque son violon avec le Diable en échange d’un livre prédisant l’avenir. Le prix à payer : le passé et le présent.
Revisitant ainsi le mythe de Faust, ce mimodrame est un bijou musical et théâtral, sur une musique explorant librement des styles aussi variés que possible : ragtime, jazz , tango, valses,… Ramuz évoquait l’œuvre ainsi : « … quelque chose comme une lanterne magique animée. »

La création eut lieu le 28 septembre 1918 à Lausanne, sous la direction Ernest Ansermet, avec les décors de René Auberjonois et une mise en scène de Georges Pitoëff. Le centenaire de l’événement a été dignement fêté par le LME en 2018.

Le spectacle est un exemple parfait de transdisciplinarité, Stravinsky accordant une importance particulière au visuel :
« L’ensemble (instrumental) devait être offert à la vue des spectateurs… car j’ai toujours eu horreur d’écouter la musique les yeux fermés sans une part active de l’œil. La vue du geste et du mouvement des différentes parties du corps qui la produisent est une nécessité essentielle pour la saisir dans toute son ampleur. Ce sont ses idées qui m’incitèrent à placer mon petit orchestre pour l’histoire du soldat bien en évidence d’un côté de la scène, tandis que de l’autre côté se trouvait une petite estrade pour le Lecteur. Cet agencement précisait la jonction des trois éléments essentiels de la pièce qui, en étroite liaison, devait former un tout : au milieu, la scène et les acteurs flanqués de la musique d’un côté et du récitant de l’autre »
(Igor Stravinsky – Chroniques, cité par André Boucourechliev in Igor Stravinsky, éditions Fayard 1982).