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L’identité plurielle du Lemanic Modern Ensemble

Marie-Alix Pleines

En neuf concerts inédits, l’orchestre fête la première décennie d’une aventure transfrontalière. Interview du directeur artistique William Blank.

Lorsqu’en 2005, le percussionniste Jean-Marie Paraire et le tromboniste Jean-Marc Daviet font part à William Blank de leur désir de créer un ensemble instrumental contemporain, et lui proposent d’en prendre la direction artistique, le compositeur et chef d’orchestre genevois, également percussionniste à l’OSR, saisit la perche. Il y voit l’occasion de militer activement, par des réalisations créatives et pédagogiques, pour l’évolution actuelle du langage musical, et de développer dans ce cadre des coproductions transfrontalières. L’ensemble Namascae (nom latin de la ville d’Annemasse) est né. Il rassemble une quinzaine de musiciens issus alors des conservatoires de Genève, Lausanne et Lyon.

Devenu en 2013 le Namascae Lemanic Modern Ensemble puis Lemanic Modern Ensemble ( LME ), l’orchestre contemporain a également développé, sous l’impulsion de son directeur, une Académie annuelle sur le modèle de la Lucerne Festival Academy initiée par Pierre Boulez. Offrant ainsi une plateforme publique à de jeunes interprètes au sortir des Hautes Écoles de musique, ainsi qu’une résidence biennale à de jeunes compositeurs au début de leur carrière publique. Rencontre avec un musicien chaleureux, passionné de transmission.


Le 20 novembre au Temple de Carouge, vous dirigerez Boulez, Ligeti et Donati des compositeurs clairement contemporains, mais aussi Bartok et, plus étonnant, Haydn. Quels critères ont guidé cette programmation éclectique ?

William Blank : Tout au long des six concerts « Résonances » de cette saison jubilaire, j’ai cherché à mettre en miroir le grand répertoire classique avec celui du XXe siècle, et – parfois même du XXIe. Ainsi Bach, Haydn ou Mozart dialoguent-ils harmonieusement avec Schönberg, Webern ou George Benjamin. Cette démarche musicale, mais également pédagogique, vise à souligner des échos structurels à travers les contrastes stylistiques, et à révéler les nouveaux « classique du XXe siècle ».

Est-ce aussi ce qui vous a fait programmer les créations de quatre compositeurs contemporains, dont vous-même, lors du concert anniversaire du LME, le 1er avril 2017 à l’Alhambra dans le cadre du Festival Archipel ?

En effet, pour fêter cette première décennie à la découverte et au service du langage musical contemporain, le LME a passé commande à dix compositeurs dont les styles divergent et se complètent. Ce premier concert, qui propose des œuvres inédites de Hanspeter Kyburz, Stefano Gervasoni, Tristan Murail et moi-même, mettra en résonance quatre artistes de la même génération, mais qui ont développé des univers sonores, esthétiques et structurels véritablement singuliers.

Une saison conjointe entre la Comédie de Genève et l’Auditorium d’Annemasse caractérise votre saison 2016/17, mais on retrouve également des collaborations transfrontalières dans une part conséquente des productions du LME de cette première décennie. Cette ouverture constitue-t-elle un des traits identitaires de l’ensemble ?

Dès sa création, l’Ensemble Namascae a assumé une identité plurielle et « transfrontalière » en réunissant des musiciens du Grand Genève. Mais c’est aussi le désir de ne pas empiéter sur le territoire de l’Ensemble Contrechamps, alors actif dans la région genevoise, qui nous a fait regarder par-delà les frontières. Le LME s’est surtout développé à travers un immense désir de transmission et de rayonnement du répertoire contemporain. La plupart de nos concerts sont d’ailleurs commentés, afin de proposer un éclairage lisible à un public étendu et pas forcément initié. D’autre part, des coproductions comme la Cassandre de Michael Jarrell, donnée l’an passé au Festival d’Avignon et reprise en janvier 2017 au Grand Théâtre de Provence ( Aix-en-Provence ), ont effectivement confirmé l’essor international de l’activité du LME.

Les concerts publics de la Lemanic Modern Academy, en mars 2017, participent-ils de la même ambition de transmettre et rayonner ?

Cette académie vocale et orchestrale, ainsi que l’Amadeus Academy pour les jeunes compositeurs soutenue par l’Art Mentor Foundation de Lucerne, répond au désir des musiciens du LME d’encadrer et de faciliter l’accès au langage contemporain aux étudiants des Hautes Écoles de musique et aux créateurs de demain. De fait, lorsque ces jeunes artistes achèvent leur formation, ils sont souvent lâchés dans une sorte de désert où l’urgence de s’acclimater aux rudes conditions de la création contemporaine se fait impérieuse. Le LME, dont la création est précisément issue de ce contexte difficile, tient à les aider à mettre le pied à l’étrier ainsi qu’à faciliter l’accès aux trésors sonores contemporains à un public profane.


Quatre concerts à la Comédie de Genève.
Premier concert : Notturni, lundi 7 novembre, 19h30, précédé d’une présentation par Philippe Albèra.
Le 9 novembre à 19h30 à l’Auditorium d’Annemasse, concert commenté.

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